C'est quoi l'Amour Tata So?

C’est quoi l’amour Tata So ?

Un jour ma filleule m’a demandé ce que c’était que l’amour.

Voilà une bien dangereuse question posée avec toute l’innocence et la confiance d’une petite fille de 5 ans.

L’amour c’est quelque chose que l’on ressent pour une personne ou un être qui est très important pour nous… Hum.

Je lui ai donc expliqué que si il existe en vrai plusieurs sortes d’amour : celui qu’elle ressent pour ses parents, sa marraine, ses cousines ou même son chien, ce n’est pas très grave, parce que quand on aime on est heureux, et que l’amour c’est facile en fait.

Bon je n’ai pas d’enfants. Expliquer un sentiment si complexe, que je ne suis même pas certaine de savoir déterminer moi-même à mon (grand) âge, n’est pas chose aisée, j’ai donc fait ce que j’ai pu.

Pourtant, j’ai menti.

Par omission.

J’ai oublié de lui dire que l’amour peut-être vicieux, sournois, trompeur, traitre.

Il y a bien sûr, celui que l’on ressent pour son partenaire. Souvent brouillé par une définition propre à soi de l’image que l’on projette de ce qu’est ce sentiment parfait et tant espéré, quand il ne s’agit que d’un subtil mélange d’égo flatté, d’hormones, d’attentes et autres…

Non, je ne suis pas aigre, juste réaliste.

Et puis il y a l’amour pur. Gratuit. Sans attentes.

Ou si, qu’il ne s’arrête jamais.

Celui là est rare, en général, il est filial et encore… on peut être je pense déçu de ne pas voir sa progéniture devenir ce qu’on « attend » de lui... il y a donc toujours des attentes, une pression… même si les parents frustrés aiment « quand même » leurs enfants.

L’amour tendre, doux et bienveillant sans contre partie est rare et précieux.

Tel que celui que je ressens pour ma nourrice.

Bernadette est dans ma vie depuis mes deux mois.

Dadet, fut l’un de mes tout premiers mots… c’était plus facile à prononcer pour ce gros bébé joufflu que j’étais que Bernadette (Bon en même temps, on dira bien ce qu’on veut, mais du coup, tout le monde ne l’appelle plus que comme ça, si bien que beaucoup ignorent son véritable prénom… Mais je m’égare).

Voilà, trente quatre années d’amour inconditionnel.

Non stop.

Elle m’a appris à manger, à me laver, à marcher. A être moi.

Elle m’a punie quand j’étais infect (ce qui avouons le arrivait régulièrement), elle m’a protégée d’une fessée de mon père à ses risques et périls, elle m’a tout donné.

Elle toute petite, qui n’avait pas un sou.

Elle m’a aimé, alors qu’elle travaillait pour mettre sa fille à l’école.

Aujourd’hui, elle a un cancer en phase terminale.

Elle va mourir.

J’ai pris l’avion pour la voir une dernière fois.

J’ai pris la claque de ma vie.

Figurez vous qu’elle est encore plus petite qu’avant.

Elle qui nous a porté tour à tour, solidement enroulés autour de son dos alors qu’elle faisait des gâteaux.

Cette femme, ronde, maternelle, qui m’a donné tout l’amour de la terre, elle est devenue chétive, fragile et apeurée.

La mort.

Elle arrive cette garce. Mais Dadet ne veut pas l’entendre.

Alors on n’en parle pas. On ment.

Oui il parait que mentir c’est vilain. Mais il y a des exceptions.

On peut, voyez vous, mentir par amour.

Faire des projets en l’air, ou alors c’est peut-être formuler ses rêves à haute voix ?

Quand tu iras mieux, tu me referas ton gâteau au chocolat, et quand ta maison sera livrée en décembre, avec Steph, on t’offrira une belle gazinière, oui, avec le four dedans… c’est plus facile pour nous faire des gâteaux justement.

Alors que je lui mens, je ne pleure pas.

Je n’en ai pas le droit, pas devant elle, par contre, à chaque minute seule, je craque.

Ce soir, je ne suis pas en colère.

J’estime que le bon Dieu m’a fait un gros cadeau en m’envoyant un ange sur mon berceau.

C’est vrai que tous les autres enfants n’ont pas eu cette chance.

Dadet m’aimait quoi que je fasse. Même si j’étais nulle en mathématiques, en physique et en biologie.

Dadet, ne m’a jamais rejetée parce que j’avais quitté un amoureux.

Je ne pense pas l’avoir jamais déçue, je ne pense pas qu’elle changerait la moindre parcelle de moi.

Si peut-être, il y a le délicat sujet des enfants… elle a rêvé toute sa vie que j’ai un enfant, et je n’ai pas pu lui donner cette satisfaction.

Alors, même si je claironne partout que je m’en fiche, ça me brise le cœur, parce qu’au fond de moi, j’aurais aimé qu’elle assiste à mon mariage et qu’elle joue avec mon bébé.

Je ne veux pas spécialement l’un ou l’autre, mais j’aurais voulu lui offrir au moins cela rien qu’un instant avant qu’elle ne s’en aille (même si j’aurais été bien emmerdée ensuite avec le môme…).

Alors, si ma filleule me posait à nouveau la question, je ne serais pas plus avancée.

Aimer Dadet est pur, simple, instinctif.

Je l’aime.

Je la revois encore super fière quand j’ai été courtisée par ce garçon dans mon quartier qui allait au lycée américain.

Oh la fanfaronnade lorsqu’il a déposé un bouquet de fleurs et une invitation au bal de son lycée… et la tête pince sans rire de mon paternel…

Oui je l’aime.

Dadet c’est ma famille.

Elle est dans mes sourires, dans ma joie de vivre, et depuis peu dans mes prières, dans mes larmes, dans les cierges à l’église.

L’amour c’est monter très haut, planer, apprendre et s’émerveiller. C’est aussi, pleurer, s’inquiéter, mentir, prier, et perdre l’autre, un jour, fatalement.

C’est être grand puis petit, c’est être vulnérable.

Même si, on ne peut pas dire cela à un enfant.

Elle a été ma deuxième maman, ma complice, mon alliée et elle va s’en aller.

Alors, dites moi, à qui je la pose moi ma question ?

A ça sert l’amour, si on perd les êtres que l’on aime, violemment, et comment vais-je un jour retourner à la maison si elle n’y est plus jamais ?